Chapitre 26 : Résiste !
Bo gosse a beau y mettre du sien : petit mot doux à l’oreille, petit mot doux dans le cou, petit mot doux dans ma boite aux lettres et sur mon bureau ; je n’arrive pas à retrouver le sourire.
Un client très sympathique a choisi précisément le moment où j’ai touché le fond pour lâcher prise.
« à quoi sont dus ces frais exorbitants que je vois là sur mon relevé ? » il me colle le papier sous le nez, limite m’étouffe avec.
« eh bien je vais vous expliquer c’est … »
« oh mais il n’y a rien à expliquer ! je vois très bien ! vous vous remplissez les poches avec notre argent ! J’engraisse votre entreprise qui ne sait que taper sur ses clients au lieu de les aider ! » il hurle de plus belle lorsque je lui signale que je n’y suis pour rien. Je sais que forcément dans l’état où il est, c’est peine perdue et c’est moi la fautive.
« vous pensez que je vais me laisser faire ? que je ne vais rien dire ? » (non visiblement il ne va pas se taire)
« écoutez monsieur je suis désolée mais … » je fais une dernière tentative pour calmer le jeu, j’y vais sans filet, sans gilet par balle, je sais c’est risqué, mais c’est ma dernière chance.
« oh mais ne soyez pas désolée ! désolée de faire un métier de voleur ? désolée de nous mentir et de nous arnaquer ? non madame c’est moi qui suis désolé pour vous ! » et il est parti (plus tôt que je ne l’avais prévu) me laissant là seule anéantie, au bord de la dépression et du suicide, ma calculatrice comme seule arme pour me supprimer.
Bo gosse a assisté à la scène : il n’a rien dit (euh mais est ce qu’une seule fois il a dit quelque chose : maintenant tout est clair : il ne me soutient pas ! comment puis je construire une relation durable avec un homme qui ne m’épaule pas lorsque la terre entière se ligue contre moi, et qui plus est un homme qui niveau sexe ne m’apporte pas grand-chose)
Nous sommes à 5 minutes de la fin de la journée de travail et je sais que je ne peux pas supporter 5 minutes de plus ici.
Mon teint blafard et mes yeux remplis de larmes trahissent mon besoin vital de consulter un médecin.
Je me couve une belle petite dépression où je m’y connais pas.
Arrivée chez le médecin, avec une salle d’attente bondée de monde qui crache, tousse, gargouille, renifle, je ne suis que l’ombre de moi-même.
C’est bientôt mon tour, après qu’un gamin m’est vomi dessus et une vieille femme se soit affalée sur moi avec sa canne pointée directe dans mon estomac.
« Bonjour mademoiselle BRODEMy, vous allez bien . ? » me questionne mon docteur innocemment, et presque gaiement, le bougre.
Si je suis dans son cabinet c’est que fatalement, non, ça ne va pas bien. Passons.
« eh bien à vrai dire, je suis plutot fatiguée ces temps ci et … »
Bon vous connaissez la suite, je me mets à pleurer à grands torrents, inconsolables, incontrolables.
« ouh mais vous avez l’air surmenée effectivement. Trop de pression au travail ? Problème de couple ? Une dispute récente ? Un trop plein d’émotion ? »
«Euh oui c’est tout ça mélangé docteur » réussis je à articuler entre deux spasmes de larmes.
« Bon eh bien il faut vous reposer. Je vais vous donner le numéro d’un collègue qui pourra vous écouter et je vous arrête pour une semaine, il faut que vous retrouviez votre beau sourire pour vos petits clients de la banque »
Et je me mets à pleurer de plus belle ! Avait –il besoin de me rappeler que je travaille dans une banque ? comme si je ne le savais pas.
Entre temps bo gosse m’a laissé une dizaine de messages sur mon téléphone. A sa voix je devine qu’il s’inquiète pour moi (il me demande aussi si je reviens bientôt car il ne sait pas fermer l’agence et qu’il n’a pas les clefs de la chambre forte ; il a également besoin de mon aide pour résoudre 2 ou 3 problèmes administratifs … mais.. arrêtons là les illusions il n’en a rien à faire de moi !)
Il veut passer me voir ce soir. Après tout autant en finir le plus vite possible !
Puis il parait qu’une fois qu’on a tout perdu, qu’on est au plus bas, on ne peut que remonter. Pourvu que ce soit vrai. Mais comment pourrais je remonter ? Alors que je n’ai même pas le moindre échelon pour me hisser sur un début de 1er étage ?
Je m’affale dans mon canapé : j’allume la radio.
Là c’est un signe : France Gall me hurle « Résiste ! »
« Bats toi ! Refuse ce monde égoiste ! »